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Sur le fil de notre histoire
12 octobre 2015

Lettre à une mère d'un enfant adopté

La lettre originale est de Kathy Lynn Harris, à lire ici. J'avais envie de partager, je la trouve étonnante, émouvante, ... tous les passages ne concernent pas toutes les mamans de coeur, mais comme cette lettre tourne pas mal sur la toile, j'avais envie moi aussi de la partager. Bonne lecture !

« Chère mère d’un enfant adopté,

 Je t’ai connu dans un cours de formation pour l’adoption. Je t’ai croisé à l’agence. Je t’ai vu dans la classe de mon fils. Je t’ai vu sur un forum, un blog ou un groupe virtuel. Je suis venue te parler délibérément. Mais aussi je suis tombée sur toi par hasard.
Ce n’est pas important. Ce qui est important et que je t’ai reconnue de suite. J’ai reconnu la ténacité obsessive. Le courage. La lutte. Parce que tu avais pris une décision et rien dans ton parcours n’était facile. Tu es le style de femme à ne pas se laisser faire. Tu as atteint ton but tant bien que mal, tu as réussi à former ta famille.
Peut-être as-tu prié Dieu pour cela. Peut-être as-tu du convaincre ton mari que c’était le chemin adéquat. Peut-être fais-tu la démarche seule. Peut-être des personnes t’ont-elles dit de te contenter de ce que tu as. Peut-être des personnes t’ont-elles dit que ton destin n’était pas d’avoir un enfant, qui est maintenant à tes côtés. Peut-être quelqu’un t'a t'il averti du parcours de l’ami du voisin de son cousin. Peut-être l’as-tu ignoré.
Peut-être que cela fait des années que tu y penses. Peut-être as-tu eu l’opportunité. Peut-être y as-tu mis toutes les économies que tu avais. Peut-être que c’était ta première option de famille. Ou peut-être pas.
D’une manière ou d’une autre, je te reconnais. Je vois comme tu t’agites et te préoccupes. Quelques fois avec trop de force. Mais c’est comme ça qu’il faut faire, non?
Je sais la quantité de livres que tu as lus. Ceux que tout le monde lit, les meilleurs ventes et les livres à la mode… mais encore beaucoup plus. Ceux qui traitent des problèmes d’attachement, de l’allaitement des enfants adoptés, des enfants qui naissent avec une addiction à l’alcool, à la cocaïne, à la méthadone. Les livres sur le retard de maturité, sur les retards de langage. Sur les centres d’aides et de conseils, de stimulation précoce, les impôts, les mutuelles, les papiers, les processus, les pours et les contres de l’adoption simple ou plénière, sur les réglementations et les lois.
Je sais ce que sont les empreintes digitales, les tests psychologiques, les certificats de revenus spécifiques à l’adoption, les entretiens, les lettres de motivations. Je connais les (nombreuses) formations qui existent. Je connais la frustration que produit la paperasserie bureaucratique sans fin. Les heures à programmer les rdv, à faire des estimations, organiser des campagnes et faire des comptes pour réunir l’argent.
Je sais que tu n’as jamais perdu de vue ton objectif. Ou peut-être tu as eu des moments de désespoir et envie de tout laisser tomber.
Je sais ce que tu as ressenti quand tu as reçu l’appel magique : cette adrénaline qui est montée en toi. Et le coup de moral en berne en se rappelant que les choses peuvent se tordre et tomber à l’eau. Les préoccupations médicales. Les préoccupations d’une maman.
Peut-être en as-tu parlé à ta mère et quelques amis intimes. Peut-être l’as-tu crié au monde entier. Peut-être as-tu déjà décoré la chambre de bébé, acheter la poussette ou le siège bébé. Peut-être as-tu acheté une couverture toute douce, juste une, et tu dors avec depuis.
Je connais les visiter des assistantes sociales chez toi. Je sais que tu as passé la nuit antérieure à nettoyer et ranger comme une folle. Je sais que tu as brulé le gâteau que tu avais prévu et qu’au moment où ils ont sonné, tu finissais de te maquiller. Je sais que tu as pensé que finalement ce n’était pas nécessaire de faire tout ça, car ils n’ont rien regardé.
Je sais que tu as eu des visites de contrôle, quand cela faisait trois semaines que tu ne dormais pas parce que ton bébé avait des coliques. Je sais que tu voulais démontrer que tu avais tout sous contrôle, que tu pouvais tout gérer, retourner au travail et travailler des heures extra le soir. Tu es peut-être sans arrêt maternité, sans une famille qui t’aide, sans les ballons et les fleurs de bienvenue.
Je t’ai vu dans beaucoup de pays, sur des terres lointaines, dans des hôtels sales, en prenant des jours de congés au travail, luttant pour comprendre exactement ce que l’on te promettait ou pas. Luttant pour donner tout ton amour à ce petit être qui est désorienté et apeuré. Attendre, désirer, rencontrer, aimer, voyager, accueillir, rentrer à la maison.
Je t’ai vu attendre à la porte de l’hôpital quand ton bébé naissait, essayant de trouver ta place dans la situation. J’ai vu ton visage que tu as entendu une infermière susurrer à la mère biologique qu’elle pouvait encore changer d’avis et le garder. J’ai vu comme tu démontrais tout ton respect, patience et compassion à la mère biologique dans ces moments.. alors que tu te mordais les lèvres et fermer les yeux et les points, sans savoir si elle changerait sa décision, si tout n’avait qu’été un rêve avec un final de cauchemar dans cet univers stérile. Sans savoir si c’était ton merveilleux moment. Ne sachant presque rien.
Je t’ai vu regarder le bébé dans les yeux, te demandant s’il était vraiment à toi et si tu pouvais te tranquilliser suffisamment pour l’emporter avec toi.
Et donc tu as emmené ton bébé dans tes bras, à la maison, cette première nuit. Avec ses petits doigts dans les tiens. Avec son petit cœur battant près du tien.
Je connais cette sensation. Bonheur parfait et plein d’espoir.
Je connais aussi le jour de l’adoption. Le stress de cette matinée, le juge, les formalités, le soulagement, la joie. Lâcher un soupir que peut-être ne savais-tu pas que tu retenais depuis des mois. Des mois. Des années.
J’ai vu comme tu as connu les parents et familles biologiques des semaines ou années après. J’ai vu comme tu partageais ton fils avec ces inconnus qui ont les mêmes caractéristiques physiques. Ces gens qui l’aiment parce qu’il est un des leurs. J’ai vu comme tu le prends dans tes bras les nuits après ces visites, quand il est tout retourné et perdu, et qu’il veut uniquement serrer fort sa peluche et appuyer sa tête sur ton épaule.
J’ai vu ta préoccupation quand ton enfant rentre de l’école avec comme devoir le dessin de son arbre généalogique. Ou quand on lui demande d’amener des photos de son papa pour comparer les traits dont il a hérité. Je sais que tu t’inquiètes pour protéger ton enfant de beaucoup de choses.. mais tu ne peux pas le protéger dans un monde tellement habitué à valoriser l’homogénéité.
Je t’ai vu en consultation médicale, en remplissant l’historial médical et en laissant des blancs, des points d’interrogations, espérant que ces espaces ne se transforment pas en problème dans le futur.
Je t’ai vu répondre à des questions complexes, aux questions qui viennent du pourquoi, comment, avec qui, où. Pourquoi, maman ? pourquoi ?
Je vu que tu te demandais comment tu allais réagir la première fois que tu entendras « tu n’es pas ma vraie mère ». J’ai vu comme tu accusais le coup quand arriva la phrase, en conservant le calme et la douceur, jusqu’à ce que tu puisses t’échapper en t’enfermant dans la salle de bain et pleurer en étouffant le son avec le bruit de la douche.
Je t’ai vu avoir honte dans quelqu’un disait à ton fils qu’il avait de la chance d’avoir été adopté. Parce que tu sais que c’est toi qui est chanceuse de l’avoir adopté.
Mais, avant tout, je veux que tu saches que j’ai vu que quand tu plonges ton regard dans le sien, tu n'y vois pas le reflet de tes propres yeux, mais quelque chose d'aussi puissant : celui de l'amour inconditionnel et immense que tu portes à cet être qui grandit au milieu de tes rires et de tes larmes, et dont la perte serait pire que de te perdre toi-même."
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Commentaires
F
Très émouvant...<br /> <br /> Bisous
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A
Cette lettre est superbe!
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M
Que c'est beau et touchant, je suis émue...<br /> <br /> <br /> <br /> Bisous et merci pour ce magnifique partage<br /> <br /> <br /> <br /> Manon
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