Un nez pour changer la perception du monde....
Je ne sais pas si la longueur du nez de Cléopâtre a eu une quelconque influence sur la perception de la face du monde à l'époque, mais il y a une chose dont je suis sûre aujourd'hui, c'est que l'opération du nez de notre puce a eu / a une influence importante sur sa perception d'elle-même et sur les questions qu'elle se pose aujourd'hui (et qui me fait m'en poser beaucoup aussi !).
En effet, avant son opération, notre puce disait vouloir corriger sa cicatrice parce qu'elle ne se sentait pas jolie ainsi. Nous lui avons toujours dit et répété que cette cicatrice ne nous gênait pas, qu'on ne la voyait même pas tant son sourire était et est rayonnant, que cette marque sur son visage était une partie de sa personne, de son histoire, sa marque de princesse, comme dans la légende chinoise de la lune (ici). Par là, nous ne voulions pas nier que cela puisse la gêner, mais bien lui faire comprendre qu'on l'aime telle qu'elle est, avec ou sans cicatrice, et qu'elle ne devait pas changer, juste pour nous, pour ça.
A la veille de l'opération, à l'hôpital, elle m'a demandé si, après l'opération, elle aurait un "nez français", comme nous, et pas un nez chinois, comme elle, c'est-à-dire, en d'autres termes, un peu épaté et sans véritable arrête nasale. Elle a ajouté (pour la première fois) qu'elle espérait que, comme ça, les grands dans la cour de l'école ne se moqueraient plus d'elle en l'appelant "la chinoise".... Je lui ai donc expliqué en douceur que non, que le professeur n'allait pas changer son nez, et lui ai expliqué qu'un nez long comme le mien ne serait pas joli sur un visage comme le sien. J'ai ajouté que, personnellement, je préfèrerais avoir un joli petit nez comme elle, et que son nez allait merveilleusement avec son visage, ses yeux, et qu'elle était magnifique, qu'elle devait être fière de ce qu'elle était. Après l'opération, nous n'avons eu de cesse de lui dire qu'elle était jolie, de répondre à ses questions, de dire que la cicatrice serait encore un peu visible après, s'estomperait avec le temps, qu'il faudrait sans doute d'autres interventions, bientôt puis, si elle les souhaitait, quand elle serait grande... l'idée était de lui faire comprendre que tout ne serait pas résolu en une fois, pour qu'elle ne soit pas déçue et qu'elle ne souffre pas de sa nouvelle image.
Pendant les semaines qui ont suivi directement l'opération, elle a regardé plusieurs fois Mulan, a dessiné des dragons... tout en disant qu'elle voulait apprendre les paroles de la Marseillaise, et tout en faisant des bracelets tricolores.... on sentait qu'elle était en pleine réflexion, ... je suis sure qu'en observant bien, j'aurais pu voir tourner les rouages de son esprit ! Et puis, chez ses grands-parents, elle a voulu écrire son prénom chinois en idéogrammes et semblait perturbée d'avoir eu à regarder le modèle sur le parchemin dans le bureau chez mes parents... Je lui ai donc remis solennellement le tampon de jade et l'encrier achetés en Chine, représentant ses deux prénoms... Elle l'a tamponnée un peu partout sur ses cahiers, ses dessins... Elle les a rangé dans la boîte à racines. Puis, un soir, alors qu'elle était dans le bain, elle me demande "dis, Maman, tu es fâchée si je veux écrire mon nom en chinois, et que je voudrais apprendre des mots en chinois ?"
Je lui ai donc répondu que non, bien sûr, que je ne serai pas fâchée, que le chinois, la culture chinoise faisaient partie d'elle, et qu'il était normal qu'elle s'y intéresse, et que c'était à elle de déterminer si elle en avait envie ou pas, maintenant ou plus tard. Nous avons donc longuement discuté toutes les deux, et je lui ai redit à quel point nous l'aimions, qu'elle était notre fille pour toujours, que nous étions ses parents pour toujours, qu'elle était française, mais qu'elle avait une culture chinoise au départ... que je comprenais que ça ne devait pas toujours être facile de vouloir être française mais d'être attirée par les dessins animés ou les représentations de la Chine...
Nous avons donc décidé ensemble que, quand elle en aurait envie, je lui donnerai - et nous regarderions ensemble - la boîte de jeu électronique pour apprendre le chinois, boîte qu'elle a eu en cadeau à l'ambassade de Chine à Noël 2012. C'était trois mois à peine après son arrivée, elle rejetait alors en bloc tout ce qui venait de Chine, et nous a donné la boîte, en la regardant avec dédain. Je l'avais alors rangée, en me disant que je la ressortirai quand cela me semblerait opportun. Depuis, je pensais sincèrement qu'elle l'avait oubliée... mais quand je lui en ai parlé, il y a dix jours, elle s'en souvenait, me décrivant même les couleurs de la boîte !! J'attends donc qu'elle en reparle, mais quelque chose me dit que cela ne tardera pas ...
Quoi qu'il en soit, cette nouvelle phase dans la vie de notre puce trouve en moi un écho en forme de questionnements multiples, d'observations et de réflexions.... J'y reviendrai très prochainement...
Et chez vous ? Vos enfants vous posent-ils ce genre de questions ? Se sentent-ils aussi face à un "défi biculturel" ? Comment cela se manifeste-t'il ?